Remettez votre projet…dans son contexte !

Toute personne ayant déjà porté un projet de territoire sait qu’il y a deux composantes bien distinctes qui vont jouer sur l’acceptabilité. La première composante est liée au projet en tant que tel, à ses caractéristiques et la manière dont elles vont être perçues dans l’opinion : la taille de l’édifice, son usage et les bénéfices qui en découlent, l’impact réel ou perçu sur l’environnement, la manière dont il va modifier le paysage visuel ou sonore…

La seconde composante est liée au contexte du territoire et à ses habitants, qui vont expliquer qu’un projet identique puisse être accueilli de manière fondamentalement différente entre deux territoires. On observe que les porteurs de projets essaient de plus en plus d’intégrer ces spécificités locales mais l’exercice est compliqué car de nombreuses dynamiques s’entrecroisent pour expliquer un territoire. Ce travail implique également, pour ne pas en avoir une vision biaisée et un diagnostic faussé, de parler à un très grand nombre d’acteurs du territoire, à commencer par les élus et une part importante et représentative des riverains. 

Je vous propose de nous plonger ensemble dans quelques exemples de ces dynamiques à travers les voix anonymes de riverains que nous avons rencontrés en porte-à-porte. . 

Opinion locale et préoccupations individuelles

Un des premiers ressorts de l’opinion sur votre projet tient à des considérations individuelles, souvent très pragmatiques. De “ça va déplacer le centre équestre et franchement c’est pas super” à “il paraît que ça va perturber notre réception télé” en passant par “honnêtement j’ai rien contre, je suis juste mitigé concernant l’impact sur l’immobilier” : ces considérations prennent énormément de formes différentes qu’il est primordial pour un porteur de projet d’identifier. Elles peuvent aussi devenir un argument supplémentaire : “si en plus on peut y gagner de l’argent, on ne va pas cracher dans la soupe ! ”

Oppositions et sentiment d’injustice

Parfois, votre projet est simplement jugé à l’aune des gens qui le supportent ou de ceux qui s’y opposent. 

Cette confrontation systématique peut exister entre plusieurs franges de la population. “Vous savez, chez nous il y a une opposition permanente entre les anciens et les néo-ruraux. Ils habitent la commune depuis à peine quelques années et ils voudraient décider de tout”, nous dit par exemple ce riverain d’un projet en zone rurale, illustrant l’une des possibles confrontations. Elle peut aussi se définir autour de catégories d’âge (”Nous autres les anciens nous sommes contre tout”), de CSP, d’habitants d’une zone plutôt qu’une autre…ou quand l’opinion individuelle se rattache à une opinion de groupe. 

Le terrain politique est une variante accentuée de cette dynamique, puisque chaque projet devient un référendum sur l’action des élus et l’occasion d’exprimer son soutien ou son opposition. “Le maire fait bien son travail !” nous dit-on d’un côté. “De toute façon tout ce que fait le maire est une erreur”, nous répond-on de l’autre. 

On retrouve également souvent au cœur de nos discussions une injustice perçue entre les bénéficiaires réels du projet et ceux qui vont le vivre au quotidien. Elle commence au niveau le plus individuel : “le propriétaire du terrain a mauvaise réputation dans le village”. Elle s’étend ensuite à la commune : “Il y aura moins de retombées économiques pour la commune vu que c’est sur des terrains privés”. Puis les voisins de la commune peuvent être ciblés : “de toute façon la communauté de commune garde toujours l’argent”. Et enfin, elle atteint les régions : “Le projet est chez nous et 50% de l’électricité part à  Marseille !”, voire le porteur de projet lui-même, ou en tout cas l’image qu’il peut renvoyer dans l’imaginaire local : “Ces projets là, ce sont de gros trust qui les gèrent, l’argent c’est pour eux !”

Et lorsque les retombées sont perçues comme partagées, la question sous-jacente est : le sont-elles bien ? Le débat d’opinion ne tourne alors plus autour du projet en tant que tel mais de ce qui va être fait de l’argent qui en découle : “Moi, je n’aurai rien contre le projet, mais ce serait bien d’en profiter pour aider les commerces plutôt qu’investir dans un stade de foot inutile !”. 

L’influence du passé

Cette opinion locale est aussi le fruit de grands événements comme de faits divers qui ont marqué les esprits. 

“Dans la région, nous nous sommes opposés fortement au nucléaire, donc l’éolien on accepte, il faut être cohérents…” nous explique un riverain sur un projet en Bretagne, expliquant en quelques mots comment des choix territoriaux induisent un sentiment positif et des opportunités pour un type de projet particulier. 

Dans la même lignée, d’autres projets passés ou en cours, du même type ou complètement différents de celui que vous portez, vont devenir des références pour le vôtre. Des exemples ? “Je suis contre parce que de toute façon, c’est comme le dernier projet qui a été abandonné. On nous avait promis plein de choses et ça n’a jamais eu lieu, donc celui-ci ne se fera pas non plus” ou encore “sur tel projet, ils ont fait venir des camions, changé une route, ça a fait plein de poussière, bref, je ne veux plus de ça”. 

Et parfois, ce n’est pas un projet mais un fait divers qui peut faire office de catalyseur de l’opinion, à l’image d’un projet réalisé en Allemagne pour le compte d’un promoteur.Simple campagne d’information au départ, nous y avons découvert que les riverains avaient été marqués par un triste fait divers pourtant sans aucun lien avec le chantier : un accident de la route quelques mois auparavant. Fort de cette information, le promoteur a doublé la communication sur son dispositif de balisage et dévié une des voies d’accès au chantier, répondant ainsi à une préoccupation qui aurait pu provoquer une levée de boucliers. 

Mon territoire, mon avis !

Et si tout était de toute façon déjà décidé au-dessus de nos têtes ? Et si mon avis ne comptait pas ? Ce sentiment d’impuissance a toujours été un marqueur fort de l’opinion publique, et peut se traduire au niveau local sous plusieurs formes. L’une d’entre elles est fataliste : “L’enquête publique ne sert à rien, tout est déjà décidé” ou encore “C’est comme le Brexit on n’a pas le choix !”. L’autre demande des comptes : “C’est quand même bien incroyable qu’on ne nous demande pas notre avis depuis le temps, qu’on découvre le projet après tout ce temps! Nous ce projet on aurait pu être pour mais là il ne faut pas abuser !”. Ne pas informer, c’est prendre le risque fort de déclencher ce mécanisme de rejet.

“J’avais pas entendu parler du projet c’est bien que vous veniez !” est à l’inverse une phrase que nous entendons très souvent, montrant que cette dynamique peut devenir positive pour le porteur de projet qui prendrait le temps d’informer en amont. 

Influences extérieures au territoire

Il faudrait encore beaucoup trop de lignes pour détailler toutes les autres dynamiques en action sur l’opinion locale, mais il en est une que l’on ne peut pas ne pas citer : l’influence médiatique. “A la radio, on dit que c’est une hérésie” en parlant de telle technologie, “j’ai vu un reportage sur france 3 régions”, “j’ai lu un article dans tel journal…” en parlant d’une autre. A l’heure de l’information continue, le soutien ou l’opposition à votre projet peut venir d’ailleurs, l’important est de savoir d’où et sous quelle forme pour se donner une chance d’y répondre. 

Toutes ces dynamiques et celles que nous n’avons pas évoquées ici montrent à quel point chaque territoire, et donc sa manière d’appréhender un projet, est unique. Pour baliser le terrain et comprendre au mieux le territoire, une seule chose à faire…

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