Faire entendre ses arguments dans un climat médiatique sous tension

Il y a quelques mois, la campagne des régionales a été le théâtre de débats passionnés sur la production d’énergies renouvelables en France. Dégradation des paysages, nuisances sonores, intérêt écologique contesté… Du côté des opposants, les griefs contre les infrastructures permettant cette production d’énergie ne sont pas nouveaux, et chaque campagne électorale est l’occasion d’essayer de leur donner de la visibilité. Mais au printemps dernier, les opposants à l’éolien ont trouvé de nouveaux soutiens auprès de personnalités médiatiques de premier plan, qui ont fait de ces sujets un enjeu politique majeur.  

Compte tenu de l’agenda électoral et de la présidentielle à venir, avec toute la charge émotionnelle inhérente à ce rendez-vous démocratique, il y a fort à parier que ces arguments reviennent rapidement et avec virulence sur le devant de la scène (mais l’ont-ils vraiment quitté ?). La question que nous nous posons aujourd’hui est de savoir comment, en tant que porteur de projets, faire entendre ses arguments auprès de la population dans un climat médiatique sous tension. 

Répondre aux questions soulevées par le débat national

Des pâles devenues le symbole d’une mondialisation sauvage dans les discours de Marine Le Pen, des éoliennes installées sur le territoire “de manière anarchique au mépris de la population” selon Xavier Bertrand ou encore “des négations de l’écologie” d’après Stéphane Bern dans le Figaro : au printemps, les accusations contre les éoliennes ont été particulièrement virulentes.

Néanmoins, ces prises de position radicales par des personnalités médiatiques ont eu le mérite de mettre au cœur du débat le sujet de la transition énergétique, l’un des enjeux majeurs de notre époque. Elles ont mis en lumière des questions légitimes de la part de la population : qu’en est-il du recyclage des machines ? quel est l’impact d’une éolienne sur la faune locale ? tel emplacement est-il véritablement pertinent compte tenu des problématiques de biodiversité ?

Si les défenseurs de la filière ont regretté l’absence d’espace médiatique pour répondre à un certain nombre de contre-vérités, comme c’est le cas dans le documentaire à charge « Eoliennes : du rêve aux réalités » promu dans de grands médias nationaux comme Le Point, il est un espace sur lequel les partisans de l’éolien peuvent exercer leur droit de réponse : le terrain.

Chaque projet éolien est unique parce qu’il est local

Il n’y a pas UN projet éolien national mais autant de projets que de territoires au sein desquels ils sont implantés, avec leurs spécificités en termes de parties prenantes, de modèle économique, de taille du parc envisagé, d’intégration au paysage ou d’accompagnement du développement des territoires. Nous revenons d’ailleurs sur ce sujet plus en détails dans un de nos précédents articles, Remettez votre projet… dans son contexte.

Pour se prononcer en faveur ou en défaveur d’un projet, les riverains se forgent une opinion en premier lieu à partir des informations véhiculées via les canaux locaux : la municipalité, le voisinage, les opposants au projet, la presse locale, les propriétaires terriens et bien sûr, le porteur de projet. La voix des acteurs du territoire est donc particulièrement importante lorsque les riverains construisent leur opinion sur un projet qui les impacte directement.

Une faible pénétration du discours anti-éolien dans les territoires

En juin dernier, au plus fort de la tempête médiatique, nous avons réalisé dix campagnes de porte-à-porte à travers la France pour des développeurs de projets dans l’éolien et le photovoltaïque. Parmi les éléments que nous analysons pour évaluer les résultats d’une campagne, il y a notamment la part de riverains favorables au projet et les sujets évoqués par les riverains. Ces sujets partagés aux ambassadeurs en campagne sur le terrain sont les ressorts de l’opinion locale, ils permettent de comprendre pourquoi un territoire est pour ou contre un projet.

Sur le premier point, les résultats obtenus en juin sur le niveau d’acceptabilité du projet par la population sont totalement alignés avec les taux que nous observons le reste du temps, soit une part de riverains favorables au projet qui oscille autour de 40%.

Exemple de catégorisation de l’opinion sur une campagne « Eolien »

Sur le deuxième point, les sujets évoqués, nous ne constatons pas non plus de reprise locale du discours des opposants aux EnR relayé au niveau national. Par exemple, sur les dix campagnes réalisées en juin, aucun riverain n’a évoqué les fake news qui faisaient pourtant le tour des réseaux sociaux à ce moment-là, qu’il s’agisse du temps de fonctionnement d’une éolienne réduit à 25%, des pratiques illégales d’enfouissement des pâles sur le territoire français ou du gouffre énergétique que représenterait la fabrication d’une éolienne et d’un panneau photovoltaïque.

Exemple de sujets évoqués par les riverains sur une campagne « Eolien »

Une campagne de porte-à-porte est ainsi un moyen de prouver aux élus la faible influence sur l’opinion locale du discours anti-éolien diffusé à l’échelle nationale. Les résultats d’une enquête menée en porte-à-porte, au-delà de constituer une pièce maitresse du dossier remis à la préfecture, peuvent également être un élément de réassurance pour les élus en leur donnant de quoi comprendre et expliquer la réalité des opinions sur leur territoire.

Dépassionner le débat pour créer les conditions d’un dialogue apaisé

En période de campagne électorale, les débats sur les sujets de société tournent fréquemment au match des « pro » contre les « anti », chacun cherchant à créer l’adhésion autour de sa thèse avec plus ou moins de rigueur scientifique. Dans ce contexte, il est stratégique pour les professionnels de la filière d’essayer de dépassionner le débat en remettant du factuel et du rationnel là où l’émotionnel a pris le dessus.

Ces quatre dernières années, nous avons mené plus de 170 campagnes de porte-à-porte à travers la France et nous en avons tiré un certain nombre d’enseignements, que vous pouvez d’ailleurs trouver dans notre livre blanc Porte-à-porte et projets éoliens. Parmi ces enseignements, il y a notamment la corrélation positive entre le niveau d’information de la population sur les projets d’infrastructure et le niveau d’acceptation de ceux-ci par l’opinion locale. Autrement dit, plus les riverains s’estiment informés sur un projet et plus ils y adhèrent. De même que le verbatim « J’ai apprécié votre démarche de venir nous informer individuellement » est l’un de ceux qui revient le plus souvent dans les discussions entre les riverains et les ambassadeurs.

Informer et écouter pour améliorer l’acceptabilité, quel que soit le contexte

Lors de nos échanges avec des porteurs de projets de territoire, l’une des craintes qui nous est le plus souvent remontée est celle de réveiller, via une opération de concertation de type porte-à-porte, un mouvement défavorable au projet alors qu’il n’y avait jusqu’alors aucun signe de désapprobation de la part de la population. Cette crainte se renforce lorsqu’un mouvement anti-éolien occupe le terrain médiatique au niveau national. Pourtant, quel que soit le contexte médiatique au sein duquel un projet doit se développer, informer et écouter les craintes de la population sont deux facteurs qui jouent en faveur de l’acceptation des projets par la population locale.

De plus, si opposition locale il y a, celle-ci n’attend pas que le porteur de projet vienne au contact de la population pour commencer à communiquer auprès d’elle. Les opposants sont dans une démarche proactive, d’où l’intérêt pour un porteur de projet de commencer à consulter la population très en amont du développement, pour prendre la main sur la communication et contraindre les opposants à une position de défense, où ils devront contrer les arguments du porteur de projet.

Pour prévenir ou pour lutter contre le risque de désinformation en période de campagne électorale, réinvestir le terrain en allant au contact de la population, avec de l’information factuelle et étayée, pour informer et non pour convaincre, sera plus que jamais une priorité ces prochains mois. 

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